Les hommes d’affaires tunisiens se débrouillent comme ils peuvent pour écouler leur marchandise vers ce marché prometteur. Mais les risques doivent être pris en considération, compte tenu de la situation politique qui prévaut dans ce pays en état de guerre.
La Libye a toujours constitué un marché de rescousse pour la Tunisie. Ce pays se caractérise par une population au pouvoir d’achat élevé et qui apprécie les produits de consommation tunisiens. Fruits, légumes, viandes et habits peuvent être écoulés dans ce marché dont le nombre d’habitants connaît une évolution d’une année à l’autre. Cependant, suite aux perturbations que connaît la Libye depuis quelque temps, ce marché n’a pas pu être exploité à fond dans la mesure où plusieurs hommes d’affaires ont peur de se rendre dans ce pays. Mais à l’avenir ce marché peut retrouver son dynamisme, compte tenu des potentialités qu’il renferme. Les exportateurs tunisiens sont prêts, en effet, à investir dans ce pays et à écouler d’importantes quantités de marchandises.
La Libye constitue également le marché de prédilection de la contrebande puisque plusieurs produits sont importés et exportés d’une façon illégale dans les circuits parallèles. On a constaté, en effet, que des camions chargés de bétail, de produits de consommations se dirigent régulièrement vers la Libye pour les vendre dans les différentes régions libyennes. Le commerce organisé a connu un recul suite au conflit armé que connaît le pays. Au niveau de l’importation, plusieurs produits fabriqués en Orient et en Asie, parfois de source inconnue, entrent en Tunisie pour être vendus dans les marchés hebdomadaires et les circuits parallèles.
Le passage de Ben Guerdane constitue l’entrée principale des véhicules qui affluent vers notre pays par centaines. Certaines personnes transportent avec elles des effets pour utilisation personnelle ou pour la vente publique. C’est dire que l’activité commerciale est encore importante entre les deux pays même si elle se fait, en partie, d’une façon illégale.
Zone de libre-échange en vue
Face à la protestation des habitants et notamment de ceux qui ont des affaires commerciales avec la Libye, les pouvoirs publics ont promis, récemment, d’aménager une zone de libre-échange entre la Tunisie et la Libye au niveau du point frontalier de Ben Guerdane. C’est que le trafic entre les deux pays au niveau de ce point frontalier connaît parfois une suspension suite à la fermeture du point de passage, notamment au niveau de la partie libyenne. Dans ce cas, toute l’activité commerciale connaît une perturbation et les commerçants n’arrivent plus ni à vendre leurs produits ni à importer. Cette situation a causé des remous au sein de la population qui a exprimé sa contestation à plusieurs reprises.
La zone de libre-échange prévue va permettre aux exportateurs et importateurs tunisiens d’exporter et d’importer des marchandises sans droits de douane, ce qui constitue un véritable atout pour les opérateurs économiques. Du côté libyen, il est possible également de faire des échanges commerciaux en toute liberté sans payer des droits douaniers. En attendant, les hommes d’affaires se débrouillent comme ils peuvent pour écouler leurs marchandises vers ce marché prometteur. Mais les risques doivent être pris en considération, compte tenu de la situation politique qui prévaut dans ce pays qui est en état de guerre.
Concernant le marché du travail, presque personne n’ose aller travailler en Libye. Pourtant, une vingtaine d’années plus tôt, les Tunisiens se bousculaient pour aller tenter leur chance dans ce pays qui offrait plusieurs postes d’emploi bien payés pour les Tunisiens dont certains travaillaient dans le bâtiment, les petits métiers ou l’ingénierie. En attendant le retour au calme, le pays reste dans un état d’alerte mais l’avenir est prometteur notamment au niveau du bâtiment et des travaux publics.
Des contrats établis
Des bureaux d’ingénierie et des entreprises en bâtiment et travaux publics ont déjà conclu des contrats pour effectuer des travaux dans ce pays alors que d’autres sont en pourparlers en vue de s’entendre sur les actions à faire. La Libye dispose, en effet, d’un important programme de reconstruction qui nécessite la mobilisation d’une enveloppe colossale de fonds. Les préparatifs sont en cours pour choisir les entreprises et les bureaux d’études qui seront chargés d’effectuer les travaux et les Tunisiens ont de fortes chances de remporter des marchés. A noter que les autorités libyennes ont toujours voué beaucoup d’estime aux entreprises et compétences tunisiennes, compte tenu de leur sérieux et de leur application dans le travail dont elles sont chargées.
Toutefois, le prolongement du conflit a faussé toutes les prévisions et l’attentisme a trop duré. Durant les années soixante-dix, des milliers de Tunisiens se sont rendus en Libye à la recherche d’un travail bien rémunéré car la Tunisie était en crise et n’offrait pas assez d’opportunités aux jeunes diplômés de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. Le seul recours pour ces jeunes était l’émigration en Europe, aux pays du Golfe ou en Libye qui offrait plusieurs avantages à ceux qui veulent s’y établir. En 1986, suite à un conflit politique entre la Tunisie et la Libye, plusieurs Tunisiens ont été refoulés aux frontières et d’autres obligés d’abandonner leurs postes de travail et leurs biens dans ce pays.
Par la suite, la situation s’est normalisée et les Tunisiens ont pu retourner en Libye et retrouver leur poste de travail sans besoin ni de passeport ni de visa. Plusieurs d’entre eux ont pu ainsi, en quelques années, s’enrichir et retourner à la mère patrie pour lancer leur propre affaire dans l’une des régions tunisiennes. C’est dire que nos relations avec la Libye ont été marquées par le respect mutuel avec, de temps à autre, des perturbations d’ordre politique qui se sont répercutées sur les ressortissants tunisiens vivant dans ce pays voisin.
L’avenir se prépare à présent
Même si l’on ne sait pas vraiment qui va gouverner la Libye au cours des prochaines années, les autorités publiques libyennes et tunisiennes préparent déjà l’avenir au double niveau commercial et de services. Pour ce qui est des échanges commerciaux, les deux parties ont pour objectif d’accroître le volume des produits exportés qui doivent concerner tous les secteurs dont l’agroalimentaire, le textile-habillement, le bâtiment et les travaux publics et l’ingénierie. Un important travail est à faire dans tous ces domaines et les entreprises tunisiennes sont appelées à mettre à niveau leurs ressources matérielles et humaines qui seront chargées d’effectuer des travaux de haut niveau.
Pour ce qui est des échanges commerciaux, il s’agit d’accroître les quantités produites pour satisfaire les besoins d’un vaste marché au pouvoir d’achat relativement élevé. La Libye dispose, en effet, d’importants champs pétroliers qui lui permettent d’occuper les premières places dans les pays producteurs des hydrocarbures dans le monde. Ces ressources naturelles importantes ont eu des effets directs sur le pouvoir d’achat des citoyens. En outre, la Libye ne dispose pas d’une industrie diversifiée dans la mesure où elle compte essentiellement sur les produits importés pour satisfaire les besoins de consommation de sa population. Elle a misé sur les industries lourdes comme ceux qui concernent l’acier et les métaux lourds.
C’est une occasion pour les industriels tunisiens d’investir ce marché en exportant des produits dont il a besoin. Certains produits industriels fabriqués en Tunisie sont inexistants en Libye et peuvent être achetés à des fournisseurs tunisiens moins cher que ceux qui sont vendus en Europe. Des rencontres entre hommes d’affaires tunisiens et libyens en présence des autorités des deux pays doivent être régulièrement organisées en vue d’identifier les domaines de coopération et les programmes à concrétiser au cours de la prochaine période.